Donner … et Recevoir !
Publié le : 07-04-2016
Atteinte d’une maladie rénale héréditaire dont souffrait déjà mon papa, la POLYKYSTOSE rénale, j’ai pu mener une vie normale jusqu’à 52 ans. Mais en 2008, l’insuffisance rénale parvenue au stade terminal m’a contrainte à me soumettre aux séances d’hémodialyse : 3 séances de 5 h, 3 fois par semaine !!!
Autant dire que ma vie fut complètement chamboulée : plus d’activité professionnelle, régime sévère, traitements médicaux, grande fatigue et restriction de boissons. L’inscription sur la liste des patients en attente de greffe m’est apparue indispensable. S’enchaînent alors de nombreux examens et bilans afin de valider la possibilité d’une greffe rénale. Inscrite en décembre 2009 sur la liste, j’ai dû patienter 3 ans et 3 mois avant d’être transplantée !!! Ce laps de temps fut particulièrement long pour moi, car mon organisme hyper immunisé risquait plus que chez d’autres patients de rejeter ce greffon … Il fallait absolument trouver un rein dont la compatibilité serait maximale, ce qui réduisait encore les chances d’une greffe dans un délai correct …
Ces quatre années d’attente furent longues et difficiles. En plus des séances de dialyse, j’ai dû subir 2 néphrectomies, l’une en 2009 pour permettre au futur greffon d’être implanté dans ma fosse iliaque, l’autre en 2011 pour tenter de faire baisser une hypertension artérielle sévère. L’ablation de mes deux reins m’a obligée à une suppression quasi totale d’hydratation ; impossible de boire en dehors de deux petits verres par jour pour la prise des médicaments … Très difficile à vivre : comment supporter de ne presque pas boire ?
Malgré ces moments très éprouvants, l’espoir d’une greffe était toujours présent. Les insuffisants rénaux ont, malgré tout et même si les séances sont pénibles, la chance de bénéficier de ce traitement de substitution qu’est la dialyse. Hélas, ce n’est pas le cas de patients en attente de greffe de poumon ou de cœur qui risquent, eux de perdre la vie …
L’acceptation du don
Un événement particulier s’est produit durant ces années d’attente. En Novembre 2010, ma mère âgée de 81 ans a été victime d’un accident vasculaire cérébral entraînant une mort encéphalique. Les médecins m’ont interrogée sur la volonté de maman quant au don d’organes. Ma surprise fut totale en découvrant que, même très âgée, elle pouvait encore sauver des vies !!!! Connaissant la générosité dont faisait preuve ma maman, j’ai accepté tout de suite le prélèvement d’organes. J’ai ainsi connu l’envers du décor … Comment s’effectue ce prélèvement ? dans les meilleures conditions.
Tout est mis en œuvre pour soutenir la famille, l’aider à vivre ces heures difficiles pendant lesquelles sont effectués de nombreux examens qui valideront la mort encéphalique et le bon état des organes à prélever, toujours dans le plus grand respect de la personne en fin de vie. Le contact fut très proche avec la coordinatrice, durant cette journée de bilans mais aussi le soir lors du prélèvement. Elle m’informa, pendant ma séance de dialyse, de la démarche opératoire (prélèvement du foie) et me rappela un mois plus tard pour m’assurer de la bonne forme du patient greffé, vivant avec le foie de maman. Beaucoup d’émotions …
Même si cette décision est quelquefois, même souvent, difficile à prendre, quel bonheur de savoir qu’un patient a retrouvé, grâce à ce don, une très bonne santé.
La greffe
Puis un soir de Mars 2013, un appel tant attendu du Centre de transplantation rénale de Marseille arrive enfin, m’annonçant qu’un rein, quelque part, en France, pouvait peut-être me convenir pour une greffe. Quelle joie mêlée d’angoisse … !
Après plusieurs heures d’examens et de stress, j’apprends que ce rein est compatible +++ et me sera bien destiné : la greffe aura lieu le lendemain matin à 6h. Dès mon réveil et mon retour en chambre stérile vers 13h, je sus que cette greffe changerait ma vie. Plus de dialyse, pouvoir boire, très rapidement une énergie retrouvée. Et le mot n’est pas trop fort : une vraierenaissance !
Je n’ai cessé de penser à la famille du donneur qui venait de perdre un être cher. Le drame vécu par ces personnes allait me permettre de retrouver une vie normale et c’est là toute l’ambivalence de la greffe d’organes.
Grâce à la mort mais grâce au don, la vie l’emporte !
Je ne saurai jamais à qui appartenait ce rein puisque le don d’organes est anonyme, mais du fond de mon cœur, je suis reconnaissante à vie à la famille du donneur.
Aujourd’hui, 3 ans après ma greffe, je vais remarquablement bien. Je pense très fréquemment à la personne qui a perdu la vie et m’a donné son rein, ce rein qui est devenu le mien et dont je prends le plus grand soin. Je respecte rigoureusement le traitement immunosuppresseur et quelques règles d’hygiène de vie et profite quotidiennement de ce bonheur de vivre.
Marylène MARRAS,
Avril 2016