Il n’y a pas d’âge pour donner …
Publié le : 28-01-2023
Une famille heureuse
Nous sommes Anne-Hélène et David. Nous nous sommes rencontrés en 1990. En 1997, nous nous sommes mariés dans le Cotentin et en septembre 1998, notre premier enfant, Pol, est né. Nous avons vécu deux belles années de pur bonheur avec notre petit bonhomme.
L’accident
En septembre 2000, Pol est en vacances chez Mamie et Papi en Bretagne. La première fois sans Maman et Papa. En début d’après-midi, Mamie et Pol partent en promenade avec la voisine, Marceline. L’équipe se rend à pied avec la poussette à Kerpalud pour voir les bateaux et les « tracteurs pelles » comme disait Pol.
Au retour, il faut traverser, sur un passage piéton, la route Paimpol-Ploubazlannec. La voie et libre. Marceline et Marie s’engagent avec la poussette. Une voiture s’arrête pour les laisser passer. Une seconde double sur les zébras, utilisés normalement pour tourner à gauche. Ce monsieur ne les a pas vus et projette la poussette sur plusieurs mètres. Est-ce la voiture qui a touché la tête de Pol ou est-ce lors de la chute au sol, nul ne le sait.
Les secours sont très vite arrivés ainsi que les gendarmes. Le chauffard, un alcoolique notoire de Paimpol, avait un taux important d’alcool dans le sang.
Dire OUI, dire non ?
Pol est dans le coma et transféré très vite au service pédiatrique de Pontchaillou. Tous les deux nous faisons la route depuis la Normandie, directement à Rennes.
Le mardi soir, notre fils est dans un état très grave. La température de son corps est descendue à 35°, le rein gauche a été fracturé lors de l’accident. On nous dit qu’il est impossible de se prononcer : soit il décède, soit il vit, mais handicapé.
Il est très bien pris en charge par le service.
Le mercredi matin, dans le bureau de la responsable du service, on nous annonce que les signes cliniques sont ceux d’une mort cérébrale. Tout en apprenant le décès de Pol, on nous demande si nous sommes d’accord pour donner les organes de notre enfant.
On nous explique très bien la démarche et le protocole.
Notre première réponse est la suivante : « … attendez, vous nous dites d’abord que notre enfant est mort…on ne sait pas … » On nous dit bien sûr, que nous pouvons réfléchir mais le temps est compté.
Nous allons dire OUI !
Nous sortons effondrés du bureau. En nous dirigeant vers la cafétéria de l’hôpital, on se regarde tous les deux et on se dit qu’on va le faire : donner les organes.
Une course contre la montre s’engage alors : électroencéphalogrammes, recherche de receveurs. Un œdème au cerveau de Pol peut provoquer un arrêt cardiaque à tous moments. Le jeudi, notre fils est opéré pour le prélèvement d’organes. Les cornées seront mises en culture et une des deux sera donnée à un enfant de 9 ans. L’autre cornée n’était pas utilisable. Le cœur est allé en région parisienne pour une petite de deux ans. Le rein droit a été greffé avec succès à un enfant et le foie est parti à Genève pour un bébé de 9 mois, mais ça n’a pas fonctionné.
Le corps de notre enfant a été très bien préparé et habillé avec la tenue que nous avions choisie.
Et nous, alors ?
Que pense-t-on quand on doit faire le don des organes de son enfant ? Il y a plein de choses qui nous viennent à l’esprit : puisque le cerveau est mort et que le cœur bat toujours, quel gâchis de ne pas aider des enfants qui en ont absolument besoin ! Notre fils était en parfaite santé avec une alimentation très saine, allaité les premiers mois de sa vie… oui on pense à tout ça.
Le jeudi, le prélèvement d’organes a été très incertain et a failli être un échec. Puisque nous avions fait ce choix, il était très important pour nous que ça fonctionne. Si ça n’avait pas marché, ça aurait été une difficulté supplémentaire.
Dans notre malheur, le don d’organe nous a aidés.
Par la suite, nous pouvions prendre des nouvelles des receveurs. Nous l’avons fait une fois, au début.
Notre fils a été renversé mi septembre 2000 et est décédé le jour de ses deux ans. Il y a eu un procès, le chauffard a écopé de deux ans de prison, l’âge de Pol. Ce monsieur est décédé depuis.
Lorsque par la suite, nous avons survécu puis réappris à vivre, nous avons eu différentes démarches pour nous aider. Des lectures par exemple.
Nous avons notamment lu puis vu le film « Réparer les vivants ». C’est exactement notre histoire. Merci à Maylis de Kerangal de l’avoir si justement écrite.
Il est temps de raconter notre histoire
Nous sommes à la fin de l’année 2022, notre fils aurait 24 ans. Il est peut-être temps pour nous de raconter notre histoire, celle de notre petit homme, celle de notre famille.
Pol a deux sœurs et un frère. Yuna est née en juillet 2001, Naïg en septembre 2003 et Kemo en janvier 2007. Nous leur avons toujours tout raconté et tout expliqué.
Anne-Hélène
et David
Décembre 2022
Transmis par l’ADOT22