Fédération des Associations pour le Don d'Organes et de Tissus humains

Greffée 2 fois – la double expérience de Delphine

Publié le : 27-02-2025

Témoignage Delphine

Delphine a bénéficié d’une double greffe : des poumons à partir d’un donneur anonyme, d’un rein de son jeune frère. Si c’est très simple pour elle de remercier celui-ci, elle apprécie de pouvoir rendre hommage à son donneur anonyme et à ses proches lors des cérémonies d’Arbre de vie, comme celle de Beaussais-sur-Mer

Mon histoire… ma merveilleuse histoire

Comme quoi il est possible de naître avec une maladie génétique et de vivre à peu près normalement.
Je m’appelle Delphine. Je suis née en 1977 à St-Brieuc et à l’âge de 7 mois, le verdict tombe : je suis atteinte de la mucoviscidose.

Les rendez-vous médicaux s’enchaînent afin de comprendre le pourquoi du comment… Je suis régulièrement enrhumée et j’ai une toux très grasse, caractéristique de la mucoviscidose.
Tant bien que mal, mon enfance est agréable, entourée de mes parents et mon petit frère, de 13 mois mon cadet.
Mon adolescence est plus chaotique. Le mucus qui encombre mes poumons est de plus en plus présent et difficile à évacuer, malgré deux séances de kinésithérapie respiratoire par jour. 

La décision est prise, les antibiotiques par voie orale ne sont plus assez actifs, je dois suivre des cures d’antibiotiques par voie veineuse. Je suis hospitalisée très régulièrement, 3 fois par an sur des périodes de deux à trois semaines. Ces cures me libèrent de ce mucus mais mon état respiratoire empire. Je n’ai plus que 25% de capacité respiratoire…
Dès lors peu de possibilités s’offrent à moi. Que faire ? Rien, et perdre encore de la capacité respiratoire ? Un médecin me parle un jour d’une autre éventualité : la greffe de poumon

Je pose des tas de questions. Ça m’intéresse, même s’il y a des risques, comme toute opération chirurgicale. Je passe un bilan pré-greffe à Nantes. Je rencontre Maryline, atteinte de mucoviscidose et greffée des deux poumons depuis 5 ans. Une belle rencontre qui me permet de mesurer la réussite d’une greffe chez une muco. Et de prendre conscience des côtés moins agréables liés, comme les effets secondaires.
Maryline me questionne. Qu’est-ce que cela me ferait de vivre avec les poumons d’une autre personne, et surtout d’une personne décédée ? Je réponds très volontiers à la question.

Ma position est claire.
Les médecins me trouvent en forme et psychologiquement prête.

Maintenant il faut attendre le coup de fil

Une année s’écoule Je vis ma vie, en suivant mes cours à la fac. Je continue les séances quotidiennes de kinésithérapie respiratoire, j’enchaîne les cures d’antibiotiques …

En mai 2003, le coup de fil de Nantes arrive avec au bout du fil, le médecin : « Nous avons un greffon de deux poumons pour vous si vous le voulez bien ! Il faut venir dans les deux heures à Nantes ».
Je réponds spontanément j’arrive !
J’arrive à l’hôpital de Nantes, je suis vite prise en charge. Les médecins me réexpliquent les risques, les bénéfices d’une greffe, les semaines à passer en soin. Aucun souci, je suis prête ! 
L’opération a duré 9 heures. Les 2 poumons greffés ont redémarré quasi aussitôt leur greffe. 
Une semaine de réanimation, trois semaines passées à l’unité de transplantation thoracique et me voilà sortante début juin 2003. Je suis ravie. J’ai fait ma rééducation en faisant chaque jour de grandes marches. J’ai savouré pouvoir marcher sans devoir m’arrêter sans cesse pour reprendre mon souffle.
Un pur bonheur de pouvoir faire des petites choses du quotidien sans difficulté.

Et mon histoire ne s’arrête pas là

témoignage Delphine

Delphine, Eric et leur petite Inès respirent le bonheur

J’enchaîne huit années sans difficulté. Mon corps accepte, avec l’aide des anti-rejets, mes nouveaux poumons. Mais mes reins s’épuisent, à force de filtrer des déchets liés à la prise d’antirejet et aux cures par intraveineuses. Ils s’arrêtent de fonctionner.
Me voilà mise sous dialyse, trois fois par semaine. La dialyse est une superbe solution mais elle impose un rythme et une fatigue supplémentaire. Je continue malgré tout mon travail, qui est pour moi essentiel.

Quelques mois plus tard, mes parents et mon frère m’expriment leur volonté de « faire quelque chose pour moi« . De me faire don d’un rein. Si mes parents sont vite écartés, pour des soucis de santé, mon frère Guillaume, lui, est en pleine forme.
Il me dit : « Je veux bien faire les examens médicaux nécessaires pour voir si je suis compatible avec toi, mais on ne parle pas encore de greffe« . OK, je suis d’accord avec sa vision. On ne se met aucune pression par rapport au résultat final.
Il fait de nombreux examens de son côté. Je l’accompagne à chaque fois. C’est mon devoir. Je fais aussi des tas d’examens de mon côté. Cela dure toute l’année 2013. 

Delphine, Eric et leur petite fille Inès respirent le bonheur

Le résultat tombe : nous sommes compatibles, même très compatibles. Car sur 9 éléments pouvant être en commun, nous en avons 8. Nous sommes très contents.
La date est posée. Le don de mon frère et ma greffe se feront le 12 décembre 2013. L’opération à lieu au CHU de Nantes. On prévient la famille afin que nos parents soient bien entourés… pendant que « leurs enfants » sont hospitalisés. Mon mari Eric est avec eux.

Tout se passe au mieux. Quatre jours d’hospitalisation pour Guillaume, six pour moi. Un petit bonheur pour moi. Un peu de stress et de fatigue pour mon frère. Aujourd’hui, Guillaume a retrouvé son rythme de vie d’avant l’opération.

Une belle expérience partagée pour nous deux. La découverte pour Guillaume d’un milieu médical qu’il ne connaissait pas, une belle réussite et une fierté pour notre famille.
Guillaume est mon héros. Il ne peut en être autrement …

 La différence majeure avec ma greffe des poumons, c’est que je peux lui exprimer ma gratitude dès que j’en ressens le besoin. Tous les jours, si je veux.

Après ces deux greffes j’ai une vie simple. Je travaille et surtout, surtout – et cela est ma troisième victoire, je peux voir grandir notre fille, Inès, que nous avons adoptée. Elle est à nos côtés depuis 2021 et a aujourd’hui six ans et demi.
Alors comme je le dis souvent, la Vie est belle, voire très belle et pourvu que cela dure longtemps.

Don anonyme, don du vivant

Pour conclure, faire don d’un organe est un geste tellement généreux, que l’on soit décédé ou vivant.

Dire merci à un donneur vivant est très simple, mais remercier les donneurs décédés et leur famille est plus compliqué car le don reste, dans ce cas anonyme.

Alors, je trouve intéressante l’idée, et j’adhère à celle-ci, de créer dans un lieu public, ces lieux d’hommage aux donneurs et à leurs proches. Avec un accès totalement libre et où il est possible de se recueillir.

Delphine, février 2025
Transmis par l’ADOT 22