France Adot

Son frère lui a donné un rein

Du diagnostic de l’I.R.C. à la dialyse

J’avais 23 ans en 2000, lorsque mon insuffisance rénale chronique (IRC) a été diagnostiquée. Pendant huit ans, j’ai vécu une vie professionnelle, sociale et affective normale. Avec pour compagne cette maladie et sa lente et irréversible progression. J’étais sous hypotenseurs et ai dû adapter mon alimentation (régime sans sel et pauvre en protéines animales).
A l’automne 2008, mes reins arrivaient en bout de course, et cette phase pré-terminale de la maladie a justifié ma prise en charge en hémodialyse. On m’a d’abord posé une voie centrale et un cathéter pour commencer les dialyses. Au bout de quatre mois, après installation d’une Fistule Artério-Veineuse (FAV) sur mon avant-bras, on m’a retiré le cathéter. Très vite, j’ai changé de service pour me former à l’auto-dialyse. Les soignants cherchent à rendre le malade le plus autonome possible dans la prise en charge de sa pathologie. Cette phase a duré quatre mois. Deux infirmières m’ont appris à préparer ma machine, gérer les aléas d’une séance de dialyse et me piquer toute seule. Pendant les quatre mois suivants, j’ai dialysé dans une unité d’auto-dialyse. Ça m’a apporté un semblant de liberté dans cette vie rythmée par trois séances de soins hebdomadaires, non négociables puisqu’il en va de notre vie.

La préparation de la greffe et le jour J

Je reviens un peu en arrière : à l’automne 2008, mon néphrologue m’a très vite parlé du don de rein par DVA (Donneur Vivant Apparenté) et m’a conseillé d’aborder le sujet avec les membres de ma famille. Mon père, ma mère, mon frère et ma sœur se sont tous portés volontaires sans que j’aie eu à présenter un quelconque argument ! Ils ont subi des analyses biologiques pour évaluer leur santé rénale et la compatibilité de leur groupe sanguin avec le mien. Le grand « gagnant » a été mon frère, dont les marqueurs sanguins et la santé générale étaient optimaux. A alors commencé une année de bilan pré-greffe pour lui, le donneur, et moi, la receveuse. Il s’agissait de déterminer si lui était suffisamment en bonne santé pour subir une néphrectomie, puis poursuivre sa vie normalement avec un seul rein. Et pour moi de définir si je pouvais supporter la greffe et en tirer tous les bénéfices attendus. En plus de ce parcours médical, nous avons dû passer devant un psychiatre et, pour mon frère, devant un comité d’éthique et un Tribunal de Grande Instance. Tous les voyants étant au vert, nous avons été opérés en septembre 2009. Ce matin-là, nos parents et notre sœur ont retenu leur souffle pendant plusieurs heures, pour apprendre que tout s’était bien passé et que mon greffon était fonctionnel. J’ai alors découvert ce qu’on appelle parfois le « miracle » de la greffe, terme qui fait sourire la cartésienne que je suis mais qui n’est pas usurpé ! J’ai retrouvé ma liberté, ma forme physique, ma capacité de projection dans l’avenir, mon espoir d’avoir des enfants.

La vie après la greffe

Aujourd’hui, mon frère et moi allons très bien. Il doit faire un suivi biologique et échographique régulier. Pour ma part, je dois ajouter à cela un suivi particulier en dermatologie, cardiologie et gynécologie. Mon frère a pu reprendre, quelques semaines après la greffe, ses activités professionnelles puis sportives, et a fondé une famille. J’ai eu moi aussi deux enfants, après des grossesses très surveillées, quelques ajustements thérapeutiques, une pré-éclampsie pour mon premier enfant et une prématurité modérée pour les deux bébés.

En famille, après la greffe

Le don du vivant pose de nombreuses questions. D’ordre médical bien sûr, mais aussi éthique et psychologique. Pendant tout notre parcours médical, mon frère et moi avons voulu être informés sur ce que nous vivions. Nous avons énormément dialogué sur les implications, pour lui comme pour moi, d’un tel don : deuil d’un organe chez un donneur pour qui l’acte de se faire opérer, justement parce qu’il est en excellente santé, peut sembler contre-nature, sentiment de redevabilité chez un receveur qui a pourtant tout à gagner à accepter un tel cadeau. Le don de soi dont un donneur vivant est capable à l’égard d’une personne porteuse d’une pathologie lourde, montre que l’être humain a un pouvoir de réparation immense, et cela continue de me fasciner et de m’émouvoir, onze ans après ma greffe !

Cristina, novembre 2020

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