Je suis greffée des deux poumons depuis presque 10 ans
Mais avant d’accéder à la greffe, ma vie fut très mouvementée.
Tout débute par une polyarthrite
Il y a 25 ans, à l’âge de 23 ans, j’ai été atteinte d’une polyarthrite rhumatoïde. C’est une maladie qui touche essentiellement les articulations, en particulier le cartilage et qui fait beaucoup souffrir. Malheureusement quand le cartilage est détruit il faut opérer. Dans mon cas, la maladie a été très destructive. Il a fallu m’opérer plusieurs fois et me placer des prothèses. J’en ai cinq au total : aux 2 hanches, aux 2 genoux, à l’épaule droite et une chirurgie de tous les orteils pour les redresser. J’ai dû affronter pas mal de rééducations en centre spécialisé mais je m’en suis bien sortie grâce à beaucoup de ténacité de ma part. Pendant de nombreuses années, j’ai dû prendre différents traitements qui n’ont pas comme but de guérir mais seulement de soulager les douleurs et ralentir l’évolution de la maladie ; ces traitements ont eu hélas des effets secondaires délétères. Un des médicaments en particulier m’a rendu encore plus malade et abîmé sévèrement mes poumons.
Insuffisance respiratoire
Une insuffisance respiratoire en a découlé qui a duré 5 ans avec au début de petits essoufflements puis 3 ans après, on a commencé à me mettre sous oxygène la nuit puis l’été précédant ma greffe, ma santé s’est détériorée de plus en plus. Pendant cette période j’ai fait beaucoup d’infections pulmonaires et de séjours à l’hôpital. C’est en octobre, lors d’une nouvelle hospitalisation que l’on m’a dirigée vers l’hôpital Sainte Marguerite à Marseille dans le service de transplantation pulmonaire. Peu de temps après, j’y suis retournée pour subir différents examens afin de déterminer la gravité de mon état de santé. À la vue des résultats, comme mon état était très critique, on m’a très vite inscrite sur la liste d’attente de greffe.
Dès le lendemain, à mon domicile, j’ai été branchée à une machine diffusant l’oxygène nécessaire 24 h sur 24 et qui était reliée à un tuyau de 25 m de long pour que je puisse me déplacer dans toute la maison. De semaine en semaine mon état s’aggravait. Je ne mangeais presque plus : cela me fatiguait de mâcher ; je ne parlais pratiquement plus : cela m’essoufflait ; me doucher toute seule je ne pouvais le faire, c’est mon mari qui m’aidait. Pour monter les dix marches qui menaient au salon, quand j’étais seule, c’était un effort surhumain que je devais faire ; quand mon mari était à mes côtés, il me prenait dans ses bras pour franchir cet obstacle. Je ne pouvais quasiment plus rien faire mais je gardais toutefois l’espoir d’une guérison.
Branchée à une machine
Nouvelle hospitalisation : on m’a alors affublée d’une machine qui s’appelle la VNI (ventilation non invasive). Elle m’a aidée à tenir jusqu’à la greffe car elle m’envoyait une pression assez forte pour soulever ma poitrine le plus possible pour évacuer le CO2, ce que je ne pouvais faire moi-même: sans cela je me serais asphyxiée. Au départ, le masque que je devais utiliser était nasal mais cela ne suffit plus au bout de quelques temps, alors on m’en a placé un plus grand qui me prenait le nez et la bouche : pour moi cela fut un calvaire. Je ne supportais pas cet appareil, je paniquais car j’avais la sensation de m’étouffer à chaque fois que je me branchais à cette machine traumatisante.
On me permit toutefois de rentrer à la maison pour passer les fêtes de Noël en famille; hélas, je devais obligatoirement être attachée à cette machine même si je ne pouvais m’y accoutumer ; mes proches devaient me tenir la main pour me rasséréner ; de plus je devais rester branchée à cet appareil 14h par jour et essentiellement la nuit. Deux jours avant ma transplantation, je suis rentrée en urgence à l’hôpital car je me sentais très mal et pendant que je me préparais à partir, je me suis promis de faire le maximum pour revenir à la maison, guérie, car ma fille, âgée de 6 ans, allait attendre avec impatience mon retour. Arrivée là-bas on m’a installée dans une chambre avec ma VNI. Le lendemain soir, des médecins du service de Réa sont venus me voir pour m’expliquer qu’il fallait que j’aille absolument dans leur service pour passer en tête de liste et pouvoir recevoir au plus vite un greffon compatible. Evidemment, j’ai tout de suite accepté. Le soir même, on est venu me chercher, à ce moment-là il ne me restait plus que quelques heures à vivre, je ne le savais pas mais mon mari, oui, il en avait été avisé par les médecins.
Enfin un greffon disponible
48 h après, à 20 h, on est venu m’annoncer qu’il y avait un greffon compatible pour moi. J’étais toujours sous ma VNI mais tellement heureuse de savoir que j’allais être sauvée. Le chirurgien s’est entretenu avec mon mari en lui expliquant que l’opération allait être compliquée du fait que j’étais dans un état très grave et que je n’arriverai peut-être pas à supporter l’opération ; malgré tout il a donné son feu vert aux chirurgiens puisque c’était la seule chance de me sauver. Donc vers 23h je suis partie au bloc en laissant mon mari inquiet derrière la porte de la salle d’opération mais moi j’étais très confiante en mon devenir et c’est certainement cette confiance et cette volonté de vivre qui m’ont aidée à tenir les 8 heures d’intervention. Dans le bloc, sur ma table d’opération j’ai entendu le téléphone et l’infirmière est venue me dire que le greffon était parfait et qu’on allait m’endormir. Je me suis alors représenté le visage de ma fille et je me suis endormie en pensant à elle.
Au réveil, deux jours après, mon mari m’apprit que j’avais bien été greffée et que tout avait bien marché ! J’ai réellement pris conscience quand j’ai réalisé que je respirais enfin presque comme avant ma maladie ! Quinze jours plus tard, quand tous les drains furent enlevés, on me permit de me lever et de me déplacer dans l’hôpital. Mes progrès furent si rapides que bientôt on m’autorisa à sortir de l’hôpital pour quelques heures. J’ai tout de suite désiré monter à Notre-Dame de La Garde dont j’apercevais la silhouette dominant majestueusement les toits de la ville. Mon mari m’y a conduite en voiture puis voulant tester mes forces et ma capacité respiratoire, j’ai décidé de grimper les nombreuses marches qui permettent d’accéder à ce monument. Miracle ! Je les ai montées aisément et sans essoufflement ! Je venais de remporter une sacrée victoire !
Je remercie chaque jour mon donneur
Ce n’était pas la fin du combat puisque j’ai subi encore par la suite divers problèmes de santé mais toujours combative, je les ai vaincus. Depuis dix ans, maintenant, je mène une vie normale, m’occupant pleinement de ma fille et aidant mes proches vieillissant. Avec mon mari et ma fille, nous voyageons pour visiter les pays voisins, nous allons assister à des spectacles, nous nous déplaçons également parfois en Harley Davidson sur les routes de France. Si je vis actuellement, je le dois à mon donneur ou ma donneuse, aux chirurgiens, à ma volonté de me battre pour vivre mais aussi à mon mari et ma famille qui m’ont si bien entourée de leur amour durant ces années noires !
ROSELYNE – Décembre 2016