Un accident grave
Un dimanche matin, nous sommes réveillés par les gendarmes. Ils viennent nous annoncer que notre fils Antoine vient d’avoir un accident de scooter à 150 m de chez nous. Il est inconscient mais a été pris en charge très rapidement par le SAMU.
Il est héliporté vers le CHU de Nantes où nous nous rendons aussitôt. Nous attendrons toute la journée avant de le voir. Un docteur nous reçoit et nous annonce que c’est grave, qu’il faut des examens complémentaires. Quand nous pourrons enfin le voir, il est dans le coma, branché et n’a qu’une petite égratignure au coin de la bouche. Il est jeune (18 ans), en bonne santé et va forcément se réveiller et continuer à rire et à blaguer.
Le lendemain, nous rencontrons un docteur qui nous explique ce dont souffre Antoine. Mon mari et moi n’avons retenu aucun mot de cet entretien, sans doute des paroles trop dures à accepter. Je me souviens juste lui avoir demandé : « Il va s’en sortir ? ». Le docteur me répondra : « Nous faisons tout pour ça, il y a toujours de l’espoir ».
Ce jour-là, nous passerons au service administratif où trônent des flyers sur le don d’organes. En sortant, je dis à Yvon : « Au cas où Antoine ne s’en sortirait pas, nous pourrions faire don d’organes ». Il me répond catégoriquement : « Non ! ».
Je regrette d’avoir dit ça. Antoine va se réveiller et vivre, vivre !…
Dans l’attente d’un don d’organes
Nous sommes allés le voir tous les jours mais son état n’évoluait pas. Le neuvième jour, on nous a demandé de ne pas venir car on allait tenter une opération. L’espoir est revenu. Si on l’opérait, c’était forcément pour le sauver. Le soir, on nous demandait de venir car il y avait eu des complications. Le docteur nous a annoncé qu’il n’y avait plus d’espoir, qu’il allait partir. Je lui ai demandé si dans son cas, il pouvait y avoir don d’organes, c’était « oui ». Je me suis tournée vers Yvon qui a dit : « Oui, donnons ses organes ».
Antoine est parti le lendemain après-midi après 10 jours d’inconscience. Il n’a pas eu le temps de réaliser ses rêves, mais il a fait de sa mort la plus belle chose qui soit, il a donné la vie. Il a sauvé non seulement plusieurs personnes mais plusieurs familles. Car il ne faut pas oublier les proches du malade qui sont, eux aussi, dans l’attente de la greffe. Antoine a donné son cœur, ses poumons, ses reins, son foie, son pancréas, deux vaisseaux, ses cornées et un fémur.
Nous n’avions jamais parlé du don d’organes avec lui. Personnellement j’ai ma carte depuis 1990 et je suis très fière de mon mari qui m’a rejoint dans cette idée de sauver des vies. Son « non » n’était pas un non au don d’organes mais un non à la mort.
Merci aux coordinations … et aux greffés
Un grand merci aux infirmiers et infirmières de coordination qui sont à l’écoute, même plusieurs années après ces évènements, et qui nous donnent des nouvelles des receveurs chaque fois qu’on en éprouve le besoin. Bien sûr, nous ne savons ni leurs identités, ni leurs âges, ni leurs régions mais quelle importance ! Le principal est que ces personnes vivent.
Il est primordial de sensibiliser ses proches et son entourage au don et de leur demander de prendre position. Antoine serait décédé le jour ou le lendemain de son accident, il n’y aurait pas eu don d’organes car Yvon n’était pas prêt.
Aujourd’hui, nous sommes tous les deux bénévoles à FRANCE ADOT. Le manque de notre fils et la douleur sont toujours présents mais nous sommes très fiers de notre Antoine qui n’est pas mort pour rien. C’était un garçon plein de vie, généreux, qui aimait les gens et je suis sûr qu’il aurait dit « Oui ».
Merci aux personnes greffées qui, par leur témoignage, leur joie de vivre, nous donnent du réconfort. Nous pouvons tous, un jour, avoir besoin d’un organe et nous serions contents de trouver un donneur, alors si nous aussi nous pouvons sauver seulement une vie, il ne faut pas hésiter.
Noëlle et Yvon – ADOT 85 – Janvier 2021