Le don du corps consiste à donner son corps au moment du décès, à des fins d’enseignement médical et de recherche. En France, c’est chaque année environ 3.000 personnes qui font cette démarche personnelle, volontaire et soumise à certaines règles.
En 2019, un scandale avait éclaté après la découverte d’importants disfonctionnements à la Faculté de Médecine Paris-Descartes.
Il était dès lors nécessaire de restaurer la confiance et l’éthique. C’est l’objectif du décret dévoilé le 27 avril 2022 : assurer aux donneurs que, avant, pendant et après les activités de recherche sur leur dépouille, leur intégrité sera respectée.
Ci-dessous les éléments importants à retenir.
Plus de clarté dans le recueil du consentement
Dès la première approche, la personne faisant la démarche auprès d’un établissement habilité reçoit une documentation sur le sujet. Il est décrit par le menu la procédure de consentement, à savoir « par une déclaration écrite en entier, datée et signée » de la main du donneur. Ce dernier se voit remettre une carte qu’il s’engage à porter en permanence. Comme pour le don d’organes, le consentement est révocable à tout moment, dans les mêmes conditions.
Le don du corps devient gratuit
C’est une évolution majeure, car jusqu’alors le donneur devait régler à l’établissement une contribution lors de son inscription, somme qui différait d’un établissement à l’autre Aucun paiement ne peut être par ailleurs alloué à la personne qui consent au don. Il y a en sus deux contingences à connaître :
- Le donneur doit absolument informer sa famille et ses proches de sa démarche,
- Si l’établissement de référence n’est pas en mesure d’accueillir dans de bonnes conditions le corps du défunt, celui-ci pourra être acheminé vers l’établissement autorisé, le plus proche, en capacité de le recevoir.
Un nouveau protocole pour les établissements bénéficiaires
Le décret prévoit d’instaurer la création, dans chaque structure, d’un « comité d’éthique, scientifique et pédagogique chargé d’émettre un avis sur les programmes de formation et les projets de recherche nécessitant l’utilisation de corps ayant fait l’objet d’un don ». Une innovation bienvenue.
Prenons un exemple : si un responsable d’établissement, dans le cadre de la formation des étudiants, veut autoriser la segmentation du corps du donneur, le comité d’éthique devra être obligatoirement informé.
Même sollicitation nécessaire pour la sortie temporaire d’un corps en dehors de l’établissement.
Cela ne pourra être que dérogatoire.
En outre, un établissement accueillant les corps devra bénéficier d’un agrément, attribué pour une durée de cinq ans et renouvelable. Selon le contrôle du Comité d’éthique et en cas d’infractions, l’autorisation pourra être suspendue, voire retirée à tout moment.
Une révision complète des modalités de transport et d’accueil des corps
Le ministère de l’Enseignement supérieur, très impliqué dans la réforme, en a fait le constat à la lumière de l’audit des différents centres. L’ancien dispositif réglementaire était « incomplet », puisqu’il « ne mentionnait pas la prise en charge en amont de l’arrivée du corps aux centres des dons ».
Avec l’application du décret, l’établissement ayant recueilli le consentement prend « intégralement en charge les frais afférents à l’acheminement du corps ».
- 1ère obligation : les opérations de transport doivent être « achevées dans un délai maximum de quarante-huit heures à compter du décès ». A l’arrivée de la dépouille sur les lieux, la structure d’accueil « assure sa conservation jusqu’au terme des activités d’enseignement médical et de recherche ». Un numéro d’identifiant lui est attribué pour « garantir la confidentialité de l’identité du donneur ».
- 2ème obligation : les activités d’enseignement médical et de recherche doivent être réalisées dans un « délai maximum de deux ans suivant l’accueil du corps ».
- 3ème obligation : en assurant « la meilleure restauration possible » du corps, l’établissement juge quelle opération funéraire est la plus adaptée, tenant compte de la préférence exprimée du donneur ou de la personne référence qu’il a désignée.
La transparence pour les opérations funéraires
Depuis 1996, tout établissement en charge du don des corps procédait le plus souvent à la crémation du corps et à la dispersion des cendres dans le jardin du souvenir communal. Autrement dit, le code général des collectivités territoriales soulignait que les funérailles répondaient à la propre organisation des centres. Au besoin – mais pas systématiquement – des procédures de restitution pouvaient être mises en place.
Le décret du 27 Avril 2022 évacue ce flou : les donneurs et leurs proches ont clairement le choix. La famille a la possibilité de s’occuper des funérailles. Dans ce cas, la restitution du corps ou des cendres, assurée par l’opérateur de pompes funèbres désigné, s’effectue aux frais de la famille.
Si le décret referme une page sombre de la pratique du don de corps, il n’en reste pas moins quelques interrogations :
- Il n’existe aucun budget défini dans le texte en faveur des centres pour financer les opérations liées notamment au transport et à la gestion des corps,
- Les centres seront régulièrement évalués mais aucun article ne décrit ni la procédure ni les méthodes. En l’état, le texte se contente de préciser que tout établissement recevant un don de corps doit pouvoir fournir des informations à son autorité de tutelle, « à tout moment ».
En résumé, grâce au décret, l’encadrement de la pratique est renforcé, le corps du donneur est davantage respecté, la famille est écoutée, et les praticiens en la matière seront reconsidérés en rappelant que le recours à des corps humains, se fait à des fins de recherche et d’enseignement.