Joannic ALLOSSERY a bénéficié d’une greffe du cœur. Il est aussi le Secrétaire dynamique de FRANCE ADOT 58. A cette ADOT il consacre du temps, beaucoup de temps. Sous forme de question réponse, il nous fait part de son histoire, de son vécu.
Joannic, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
J’ai 45 ans, je suis marié depuis 20 ans, père de 2 enfants, je vis en Bourgogne. Directeur d’association dans le secteur médico-social et culturel, en milieu semi-rural, j’ai toujours été passionné par ce métier qui demande un dévouement quasiment sans limites.
Avec mon épouse, nous avons vécu de grandes aventures, accompli et réussi des épreuves importantes avec notamment l’adoption de nos 2 enfants.
Pouvez-vous d’abord revenir sur votre parcours de santé ?
Une nuit, mon cœur s’est arrêté pendant mon sommeil, sans aucune douleur. Ma femme, a senti que quelque chose se passait. Elle a tout de suite procédé au massage cardiaque, m’a réanimé et a appelé les secours. Ensuite, beaucoup d’événements se sont enchaînés dès mon admission à l’hôpital : plusieurs arrêts du cœur consécutifs, pose d’un pacemaker et 15 jours plus tard, œdème aux poumons. J’ai été transféré en extrême urgence au pôle cardiologie de l’hôpital Pitié Salpêtrière à Paris. Après plusieurs semaines en survie grâce à une assistance circulatoire, plusieurs opérations puis la pose d’une assistance circulatoire d’oxygénation extra corporelle, les médecins ont enfin réussi à découvrir ce que j’avais : une Myocardite à Cellules Géantes. Maladie auto-immune très rare, dont le seul espoir de guérison était l’immunodépression et la greffe du cœur. Dans ma famille, il n’y avait aucun antécédent et je n’avais eu aucun signe avant coureur. C’était en 2014, j’avais 41 ans.
Comment avez-vous vécu l’annonce de votre greffe du cœur ? Et l’attente ?
L’enchaînement des événements s’est fait à la fois très vite, mais également avec une lenteur indéfinissable, en tout cas pour moi, car j’étais très faible, alité et ma vie ne tenait … qu’à une prise électrique. Lorsque le cardiologue est venu nous proposer une greffe du cœur, ma femme et moi avons pris cela comme une délivrance, une porte de sortie de l’espace-temps dans lequel je me trouvais. Tout en précisant que rien n’était fait tant que le greffon n’était pas trouvé et la transplantation effectuée. Les médecins m’ont informé que j’étais inscrit sur la liste de super-urgence nationale de l’agence de biomédecine, en position N°1. Ils ont dit à ma femme que s’il n’y avait pas de greffon avant la fin du week-end, il y avait peu de chance que je survive.
Inscrit sur la liste un jeudi soir, dans la nuit du vendredi au samedi suivant, j’étais greffé. Soit à peine une trentaine d’heures après. L’attente a été là aussi comme une période suspendue dans le temps de nos vies. Je sais que je suis un miraculé, un rescapé.
Quel impact la greffe a-t-il eu sur votre vie ? Et vos proches ?
Cette « aventure », cette épreuve, ce « marathon » comme me l’a souvent dit un aide-soignant quand j’étais en réanimation, a changé considérablement ma façon de vivre, et bien entendu, celle de mes proches.
D’un point de vue alimentation, toute ma famille s’est mis à mon régime pauvre en sel, en graisses, et contrôlé en sucres.
Ensuite, notre rythme a changé. Nous relativisons davantage, nous prenons plus de distance avec les tracas matériels, nous nous protégeons et nous essayons de profiter des moments où nous sommes ensemble.
Cette épreuve a rapproché un certain nombre de personnes autour de nous et en a éloigné d’autres. Nous savons sur qui nous pouvons compter.
Ma greffe du cœur nous a montré combien il était important de profiter de ses proches, de prendre soin de soi, de son corps et de profiter de la vie. Elle peut être très courte. Depuis ma greffe, nous voyons les choses différemment et nous nous adaptons à mon rythme et à mes possibilités.
Y’a-t-il des choses que vous ne pouvez plus faire, que vous regrettez aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je suis un peu limité par rapport à ce que je faisais avant. Le traitement médical a certains effets secondaires qui jouent sur le moral ou sur le physique. Je n’exerce plus le métier que je faisais.
Les cardiologues qui me suivent m’ont prévenu et m’ont dit : « Attention, pas de stress et prenez soin de vous, de votre cœur ».
Au quotidien, je fais attention à beaucoup de choses et ce n’est pas compatible avec le métier que j’exerçais. Au delà de mon activité professionnelle, je me dois, par respect pour le donneur et sa famille, de prendre soin de moi, et éviter au maximum les risques.
Comment gérez-vous les risques liés au traitement ?
Ce n’est pas toujours facile de se protéger, surtout les premières années. Il faut adopter les bons réflexes, ceux que nous devrions tous avoir en l’occurrence.
Depuis ma greffe du cœur, je suis suivi par des médecins qui m’informent des effets indésirables et des risques encourus en fonction de ce que je fais.
Ensuite, il y beaucoup de bon sens à avoir. Je ne m’expose pas au soleil, aux dangers en bricolant, aux maladies des autres, aux lieux fermés de « contagion » tels que cinémas, laboratoires d’analyses médicales, … et j’apporte un soin particulier à mon alimentation, à mon hygiène de vie, avec néanmoins des petits extras de temps en temps.
Quel est votre état d’esprit aujourd’hui ?
Je suis serein par rapport à mon travail. Je me sens encore fragile et parfois comme un funambule qui veut avancer mais doit maintenir son équilibre pour ne pas chuter. Même si mon rythme n’est plus celui qu’il était, je me dynamise et positive le plus possible. J’ai la chance d’être très bien entouré par mes proches et surtout ma femme qui a été extraordinaire depuis le début de cette épreuve. Je me sers de la méditation, de séances de relaxation et de lecture, de musique.
Quels sont vos projets à court et long terme ?
Qu’ils soient à court, moyen ou long terme, je veux les partager avec ma femme et mes enfants. Si je peux aujourd’hui faire des projets, c’est grâce à eux, et également au donneur, sa famille et le personnel de l’Hôpital Pitié Salpêtrière.
Parmi ceux déjà programmés, des vacances, des voyages, et des travaux pour notre maison. Plus personnellement, je veux retrouver la forme que j’avais avant ma greffe et ainsi être plus résistant à l’effort voire même me surpasser.
Quel message souhaitez-vous transmettre aux proches de personnes greffées ou transplantées ?
Subir une transplantation est souvent perçu comme une seconde naissance avec ses joies et ses difficultés.
La présence des proches est indispensable. Que ce soit dans l’attente d’une greffe ou après l’opération, les patients ne doivent pas rester seuls. Se sentir entouré, accompagné, soutenu et aidé est ce qu’il y a de plus important, même si l’on a besoin de moments de tranquillité, de solitude. Ce combat ne peut se faire seul. Certes, ce n’est pas facile pour les proches de personnes greffées ou en attente de l’être. Il ont la lourde tâche de supporter les sautes d’humeur, les moments de faiblesse, les inquiétudes et agacements.
Il faut que les proches aient confiance envers les médecins et l’ensemble du corps médical. La recherche médicale a fait d’énormes progrès et il y a de grandes compétences dans notre système de santé.