Entretien avec Dominique, San Claudienne.
Vous fêtez ce mois-ci vos quarante ans de greffe de rein. Quarante ans de vie avec le rein d’un même donneur. C’est un magnifique record. A quoi attribuez-vous cette longévité ?
Le fait d’avoir été greffée jeune (18 ans) avec un rein jeune favorise le bon fonctionnement de la greffe. De plus la maladie génétique à l’origine de mon insuffisance rénale ne récidive pas sur le rein greffé.
Je bénéficie d’un suivi médical régulier par les néphrologues de l’hôpital au sein duquel ma greffe a été réalisée, avec visites 2 fois par an. Des analyses sanguines et urinaires sont aussi pratiquées tous les mois.
J’ai toujours consciencieusement pris mes médicaments (notamment anti-rejets), même si certains effets secondaires sont plus ou moins gênants. Je n’ai jamais risqué de perdre un don aussi précieux que ce rein qui m’a un jour rendu la vie. Ce point est important car lors des rendez-vous dans mon centre de greffes, j’ai pu constater que certains patients, après plusieurs années de greffe, arrêtaient d’eux-mêmes leur traitement en pensant qu’il n’était plus utile, et se retrouvaient en dialyse. Certes, il s’agit d’une minorité mais cela arrive …
Ma maladie génétique a été découverte à l’âge de 13 mois, j’ai donc fréquenté les hôpitaux de bonne heure et toutes les difficultés rencontrées m’ont forgé un caractère combatif. Ce moral à toute épreuve m’a permis de toujours rebondir et de trouver la force de vivre.
Je tiens à mentionner la place infinie qu’occupe dans mon cœur ma famille. Sans eux aurais-je trouvé la force de vivre ?
Comment se sont passés ces quarante ans de votre vie ?
Renaître à 18 ans, ce n’est pas rien ! Finies les séances de dialyse 2 fois 8 h par semaine pendant 4 ans au centre de Saint CLAUDE. Lorsque j’ai été greffée je n’allais même plus à l’école tellement j’étais « au bout du rouleau ». Tout le monde se demandait si je verrais Noël 1976. Et le miracle s’est produit les premiers jours de novembre !
Je dois la vie à la mort d’un jeune homme de 20 ans, victime d’un accident de la route. Son don est le plus précieux qui soit. Je reste à jamais reconnaissante à ce jeune inconnu et pense à lui très souvent.
Ce par quoi je suis passée m’a grandie et a modifié ma perception du monde. J’ai, depuis « ma renaissance », il y a 40 ans, une envie de vivre et de profiter de chaque moment qui se présente. Me considérant « en sursis », je ne repousse pas au lendemain ce qu’il m’est permis de faire aujourd’hui. J’ai envie de vivre heureuse en m’en donnant les moyens et de profiter de chaque instant passé auprès de ceux que j’aime.
Greffée, j’ai pu continuer mes études et entrer dans la vie active. Rares ont été les personnes informées de mes problèmes de santé au cours de ma vie professionnelle. J’ai toujours souhaité « être comme tout le monde ».
Au niveau familial, je suis mariée, maman de 2 enfants (1 garçon âgé de 33 ans et 1 fille de 24 ans), grand-mère de 3 petits-enfants (7 ans, 4 ans et 15 mois). Tout ce petit monde, sans oublier ma maman et ma sœur, fait mon bonheur. Une pensée pour mon papa et mon frère qui ne sont plus là aujourd’hui.
Avez-vous des souhaits pour l’avenir ?
A 58 ans, j’ai déjà vécu plus longtemps avec un rein greffé qu’avec les miens et je souhaite que cela dure encore longtemps. Ma santé globale est acceptable, même si d’autres problèmes liés à ma maladie génétique viennent s’ajouter. Ma fonction rénale est bonne.
La vie est parsemée d’embûches, de problèmes qu’on juge insurmontables, mais aussi de joies et de bonheurs considérables. Ne gardez à l’esprit que les bons moments, ils vous aideront à tenir bon.
Je souhaite que de nombreux malades puissent, comme moi, bénéficier d’un tel don de vie.
Propos recueillis par Pierre NOIR – Novembre 2016